Imaginez une grande ville où, chaque jour, vous croisez des hommes, des femmes, des enfants tendant la main. Mais que se passerait-il si, du jour au lendemain, tous ces mendiants disparaissaient ? C’est le point de départ du roman La grève des bàttu d’Aminata Sow Fall, une œuvre majeure de la littérature sénégalaise et africaine, qui renverse les perspectives pour mieux nous faire réfléchir.
Un contexte post-indépendance
Publié en 1979, le roman s’inscrit dans un Sénégal en quête de modernité, soucieux de projeter une image propre et respectable à l’international. Les autorités veulent faire disparaître les mendiants des rues. Mais Aminata Sow Fall interroge : peut-on faire disparaître la pauvreté en effaçant simplement ses signes visibles ?
Une intrigue originale et percutante
Dans le roman, un haut fonctionnaire organise une campagne pour expulser les mendiants. Mais ces derniers décident de se rebeller, à leur manière : ils font la grève. Plus personne ne tend la main, plus de charité possible, plus d’occasions de se donner bonne conscience. Et soudain, les “gens bien” se sentent perdus, moralement vidés. Le roman montre ainsi que les plus démunis jouent un rôle invisible mais central dans la vie sociale.
Une satire pleine d’ironie
La grève des bàttu aborde des thèmes profonds avec une grande finesse :
- L’hypocrisie sociale : une société qui prétend œuvrer pour le bien, mais refuse de regarder en face les vraies causes de la pauvreté.
- La charité intéressée : donner pour se sentir meilleur, plus que pour aider réellement.
- La dépendance réciproque : les riches ont besoin des pauvres pour se sentir généreux.
- Modernité contre tradition : peut-on effacer la solidarité informelle au nom d’une modernité de façade ?
Une écriture subtile et engagée
Aminata Sow Fall manie une plume ironique, tendre parfois, mais toujours lucide. Son style accessible cache une grande profondeur. Les personnages sont complexes, jamais caricaturaux. Et l’humour discret du roman rend sa critique d’autant plus efficace.
Un roman encore d’actualité
Ce livre est aujourd’hui un classique étudié dans les écoles, mais il reste pertinent pour penser notre époque. Dans toutes les grandes villes du monde, on retrouve cette volonté de cacher la pauvreté plutôt que de la traiter. Le message de Sow Fall est universel : on ne peut construire une société juste en rejetant les plus vulnérables.
Conclusion
La grève des bàttu est un roman brillant, à la fois drôle et grave, simple et profond. Il nous invite à repenser notre rapport à l’autre, à la générosité, à la dignité. Une lecture indispensable pour comprendre les paradoxes de nos sociétés.
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